Rendez-vous en terre inconnue

Si bon nombre de femmes ou d'hommes attendent toujours avec impatience ces rendez-vous mensuels, ces rencontres au coeur du voyage qui leur permettent de rencontrer ce ver qui ne cesse de se développer, ce n'est absolument pas mon ressenti. 

Les spécialistes de l'obstétrique, de l'accouchement et de ces spécialités si intimes réalisent avec répétition et sans humanité leurs gestes, chacun de leurs gestes, machinalement, à la manière d'un épicier ou d'un ouvrier.

Les pieds dans les étriers, nous sommes si faibles, si vulnérables. Et pourtant, nous leur remettons notre corps et une partie de notre âme. Si certaines assimileront ce chirurgien-boucher à un ange gardien, la réalité peut s'avérer être loin de l'idéal espéré. 

Son discours n'est pas rassurant, je me sens me raidir face à lui, je ne sais que penser puis je l'entends donner ses indications. Il pose quelques questions et annote un tableau, de temps à autres, ses yeux se lèvent. J'espère qu'il s'intéresse à nous mais il n'en est rien. Nous essayons de placer quelques questions, mais en vain. Il feuillette notre dossier et continue de crayonner. 

Enfin, il semble s'adresser à nous. Je lui parle de ces déségréments constants, quotidiens, si difficiles à vivre chaque jour. Je voudrais lui parler de ce manque d'espoir, de ces semaines qui semblent éternelles mais également de ce ver si présent qui ne cesse de me faire porter cette étiquette maléfique de porteuse de vie. Chaque jour, j'ai espéré son évaporation, mais les mots me manquent et mes rancoeurs restent englouties au fond de ma gorge.

Il semble m'écouter mais n'est visiblement pas concerné. Il me parle de son traitement, pourtant resté sans effet depuis 17 semaines, mais n'a pas d'autre solution à me proposer. Je reste stoique. J'ai envie d'hurler. Au lieu de cela, mes yeux se baissent et je me ravise. 

Puis il m'invite à passer sur le siège de consultation. Les pieds dans les étriers, je voudrais le questionner mais il m'interrompt presque immédiatement et me somme de juste l'écouter. 

Il vient enfin le moment de l'échographie. Le gel se répand sur mon ventre. Il parcourt mon abdomen à la recherche du foetus. En quelques clics, il explique à mon mari ce qui est visible. Je ne suis déjà plus là. Mon esprit vagabonde. Je repense à mes clients et à toutes ces choses que je dois encore entreprendre. Surprise dans mes pensées par ce bruit sourd et régulier, c'est son coeur. Il est là. Il est en vie. Je semble déçue.